Pas d’accord entre les pays producteurs de pétrole Opep et non Opep, à la sortie de la réunion du 6 mars, créant une onde de choc sur les marchés pétroliers, alors que l’économie mondiale subit les affres de la pandémie de coronavirus (COVID-19). Le baril a perdu plus de 30 % de sa valeur, le lundi suivant, en conséquence de la décision d’Arabie Saoudite d’augmenter la production pétrolière d’Aramco d’un million de barils, dans une tentative de faire plier la Russie, peu encline à suivre les quotas exigés par l’Opep. Dans sa prévision budgétaire 2020, Moscou table sur un baril à 42 dollars. Le brut de référence Brent s’est échangé à 35 dollars le vendredi 13 mars sur les marchés. En Afrique, les effets de cette guerre en pleine crise sanitaire se font ressentir chez les principaux pays producteurs de pétrole du continent. En tête du peloton, le Nigeria, premier producteur africain de pétrole est sans doute l’économie la plus menacée du continent.
Le Nigeria révise à la baisse ses prévisions budgétaires
La baisse des prix du brut suscite une vive inquiétude des autorités d’Abuja, qui dans leur prévision budgétaire ont tablé sur un baril à 50 dollars dans le pire scénario. D’où l’inquiétude perceptible dans les déclarations du ministre nigérian des Finances, Zainab Ahmed, qui anticipe sur les difficultés du Nigeria à maintenir son budget record de 33,8 milliards de dollars proposé par le président Muhammadu Buhari, en octobre.
À la fin de l’année dernière, le gouvernement nigérian avait fixé le prix du pétrole à 57 dollars le baril dans son budget 2020, prévoyant que l’économie devrait croître de 2,93 % la même année. Le pétrole génère plus de la moitié des recettes publiques du premier producteur africain, en chute de plus de 20% depuis le début de l’épidémie. La Chine, épicentre du virus, représente le ¼ des importations nigérianes et aliment une grande partie de la chaîne d’approvisionnement perturbée. Première économie africaine, le Nigeria et sa population d’environ 200 millions d’habitants redoutent une propagation du Covid-19 dans ce pays où les infrastructures sanitaires restent vulnérables. A l’annonce du premier cas, la Nigeria stock exchange (NSE) a perdu 980 millions de dollars.
Un coup dur pour une économie déjà fragile et à peine sortie d’une récession entamée en 2016, après la chute des prix du pétrole en 2015. Les chiffres officiels font état d’une contraction de l’économie de 1,58 % en 2016 et une faible croissance de 0,82% en 2017. En 2019, année de la véritable reprise, la croissance nigériane s’est chiffrée à 2,27 % contre 2,91 en 2018. Le pays endetté à hauteur de 85 milliards de dollars et particulièrement vulnérables aux chocs exogènes se prépare à un retour sur les marchés obligataires avec 3 milliards de dollars de nouvelles offres d’euro-obligations, au risque d’emprunter à des taux exorbitants. La situation nigériane n’est pas sans rappeler celle de l’Angola, deuxième producteur africain.
L’Angola, vers une nouvelle récession
Les exportations pétrolières génèrent plus de 70% des recettes budgétaires de l’Angola. En récession depuis la crise de 2015, le pays s’attendait à une croissance de 2,8% du PIB, selon les chiffres de la Banque africaine de développement (BAD). Ainsi, le choc pétrolier ne pouvait pas survenir à un pire moment. Le pays qui a produit 1,39 million de barils de pétrole par jour en février, selon l’Opep est déjà empêtré dans une crise, qui sera exacerbée par cette guerre des prix au pétrole. Dans un communiqué publié mercredi, l’Agence nationale du pétrole, du gaz et des biocarburants (ANPG), a déclaré étudier l’impact de baisse mondiale des prix du pétrole et des dispositions à prendre pour face. Dans sa prévision budgétaire de 2020, l’Etat est parti sur la base d’un prix moyen de 55 dollars le baril, largement au-dessus des prix actuels. L’Angola doit également faire face à la baisse de sa production pétrolière estimée à – 9 % en 2018, mais aussi au vieillissement des infrastructures pétrolières et aux mauvaises performances des nouveaux gisements a estimé la BAD.
En raison de la dépréciation de la monnaie locale (Kwanza), la dette publique du pays a grimpé à 95% PIB en 2019. La baisse des recettes pétrolières éloigne les perspectives d’une baisse de la dette à 89,9% du PIB en 2020, prédit par le FMI, dans un contexte d’une forte inflation à 17,2 % en 2019. Les perspectives moroses induites par le COVID-19 ont également contraint l’Algérie, troisième producteur africain du pétrole à revoir sa stratégie.
Fonte des réserves de changes algériennes
L’Algérie est l’autre pays particulièrement exposé aux fluctuations des prix du pétrole. Mardi 10 mars, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a consacré une réunion de travail à l’évolution des prix du pétrole. Plusieurs mesures ont été annoncées, notamment l’élaboration d’une loi de Finances complémentaire pour lever certaines incohérences de la loi de Finances 2020. Il y sera inclus des mesures pour mieux s’adapter à la baisse des prix du pétrole ont précisé les autorités d’Alger. Le projet de budget 2020 table sur un cours moyen de 50 dollars le baril et un déficit de 7 % du PIB. Un désastre pour un pays dépendant des hydrocarbures pour ses recettes en devises et à près de 50% pour ses recettes budgétaires. Les réserves de change ont chuté de façon marquée, passant de 198 milliards de dollars en 2014 à 63,8 milliards de dollars à fin 2019. Mais à la différence de l’Angola et du Nigeria, la dette publique algérienne a été de 45% du PIB en 2019, contre 26% du PIB en 2017, alors que la dette extérieure demeure faible et représente 2% du PIB.
Les inquiétudes sur les économies nigérianes, algériennes et angolaises planent également sur neuf autres pays producteurs. L’Egypte a, depuis la découverte du gisement de Zohr, mis le secteur des hydrocarbures au cœur de sa stratégie de développement. La Libye plongée dans une crise politique devrait aussi pâtir de cette baisse, mais également la République du Congo, la Guinée équatoriale, le Ghana, le Sud Soudan, l’Afrique du Sud, le Tchad et le Soudan.
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