A la une
Ces banques centrales qui planchent sur la monnaie numérique

La Suède lance son test de monnaie digitale, l’e-couronne. Un test qui s’achèvera en 2021. Mais les jeux ne sont pas encore faits. La Riksbank attend de voir avant de prendre une décision et d’éventuellement généraliser l’usage de l’e-couronne. Il n’empêche, les banques centrales se penchent de plus en plus sur la question des monnaies digitales. 

80 % des banques centrales travaillent sur des monnaies digitales ou s’apprêtent à le faire. Du moins, il s’agit de 80 % des institutions sondées en 2019 par la Banque des Règlements internationaux. L’intérêt qu’elles y portent est croissant. L’année précédente, elles n’étaient que 70 % à réfléchir à émettre de l’argent 2.0. Les travaux de réflexion s’accélèrent surtout dans les pays émergents. Mais la large diffusion de la monnaie numérique nationale, ce n’est pas pour tout de suite. Seulement 10 % des pays sondés estiment vraisemblable une mise en œuvre à court terme pour le grand public.

Selon plusieurs médias, le projet chinois serait presque prêt. Celui de la France, pas encore. Paris va lancer un appel d’offres pour des tests.

Plusieurs scénarios

Mais qu’est-ce que c’est qu’une monnaie digitale de banque centrale (MDBC) ? En fait, deux grandes catégories sont envisageables. Premier scénario : la banque centrale n’émet qu’une monnaie digitale dite de « gros » : elle servira pour des opérations entre banques ou des règlements de titres par exemple. Second scénario : la création d’une monnaie à usage plus général. En fonction des variantes, elle pourrait servir au quotidien. En tous cas, l’une des caractéristiques, c’est qu’à la différence du bitcoin, et autres cryptomonnaies parfois décriées par les autorités, avec ces MDBC, par définition, les États garderaient la main.

Alors quels avantages à ces monnaies numériques ? Selon Hugues Morel, président du groupe Finnegan (qui répond à l’appel d’offres de la France), « elles ont a priori un coût de production moindre ». Quand « on paie par carte bancaire par exemple, il y a une quinzaine d’acteurs qui entrent en compte et ils sont rémunérés ».

Par ailleurs, dans les paiements par carte ou par virement, « ce sont des opérations de banque à banque, la monnaie numérique a un côté plus proche du cash, c’est un peu à mi-chemin », explique François-Xavier Thorens, président cofondateur d’Ark Ecosystem, éditeur français de cryptomonnaie (qui répondra probablement à l’appel d’offres de la France).

Inclusion financière

Mais ce qui motive le plus les banques centrales, d’après le sondage de la BRI, c’est tout de même la sécurité des paiements. L’accès à une monnaie digitale peut faciliter le quotidien, notamment dans les endroits où les réseaux bancaires sont inégalement développés sur le territoire. L’inclusion financière est d’ailleurs une raison jugée « importante » par les pays émergents dans leur réflexion sur le sujet.

Au contraire dans les pays comme la Suède, où l’argent liquide est de moins en moins utilisé, l’un des enjeux est de maintenir un usage de la monnaie nationale par le public. L’arrivée des cryptomonnaies privées n’est pas pour rien non plus dans cette réflexion.

Lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

L’arrivée des stablecoins pose de nouveaux défis. Les stablecoins sont des cryptomonnaies dont la valeur est stable, car adossée à celle d’un autre actif, contrairement au bitcoin, très volatil. Les autorités de plusieurs pays surveillent de très près le projet de Facebook de créer sa monnaie : la libra. Ces instruments pourraient faciliter les échanges transfrontaliers et c’est aussi ce qui inquiète le gouverneur de la banque de France qui soulignait récemment le risque lié au « blanchiment d’argent et au financement du terrorisme ». Un problème également posé par l’argent liquide.

François Villeroy de Galhau craint aussi un impact de ces monnaies privées sur la stabilité financière. Voilà pourquoi la France passe à l’étape suivante. Elle doit lancer en ce début d’année un appel à projets pour mener des expérimentations, en particulier sur un mécanisme de « gros ».

Christine Lagarde, à la tête de la Banque centrale européenne, a promis de son côté que l’Institution de Francfort définirait des « objectifs d’ici mi-2020 ». La BCE qui fait partie d’un groupe de travail, aux côtés de cinq autres banques centrales, dont celle du Canada et du Japon.

« Cela redéfinirait le rôle des banques »

Il reste malgré tout beaucoup de questions en suspens. Concernant la forme d’émission, par exemple. La banque de France semble privilégier l’idée de comptes à celles de jetons (ou token), des actifs numériques. Autre question à trancher : l’anonymat – et le seuil jusqu’auquel il serait éventuellement garanti.

Si l’usage de cette monnaie numérique se généralise, cela pourrait avoir un effet sur la liquidité et la rentabilité des banques. Pour François-Xavier Thoorens, « cela redéfinirait le rôle des banques qui devraient se focaliser sur des produits financiers plutôt que sur la gestion des comptes ». Cette évolution soulèvera aussi une question sociale : « Qu’est-ce qu’on fait des gens qui sont aux guichets, qui alimentent les distributeurs automatiques de billets ? Il faut que ce soit géré en parallèle », pointe Hugues Morel. Autant de questions que devront donc se poser les banques centrales.

RFI

Ces banques centrales qui planchent sur la monnaie numérique
Étiqueté avec :    

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *