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Coronavirus : le faible nombre de cas détectés en Afrique suscite des interrogations

Détection défaillante ? Facteur climatique ? Simple coup de chance ? Le très faible nombre de cas de coronavirus détectés dans les pays d’Afrique, aux systèmes de santé les plus fragiles, n’en finit pas d’interroger, voire d’inquiéter les experts. A ce jour, seulement deux personnes ont été officiellement contaminées par le virus Covid-19 sur le continent, une en Egypte, l’autre en Algérie, pour aucun décès. Une goutte d’eau dans l’océan des 80 000 cas et plus de 2 700 morts recensés dans une quarantaine de pays de la planète, pour l’essentiel en Chine, où le premier foyer de l’épidémie est apparu, selon les dernières statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiées mercredi 26 février.

Peu de temps après l’apparition du virus, les spécialistes ont pourtant pointé du doigt les risques de propagation de la maladie en Afrique. A cause de ses liens commerciaux étroits avec Pékin et des faiblesses de son réseau médical. La semaine dernière, l’OMS a même averti que le continent était mal préparé pour faire face à l’épidémie. « Notre principale préoccupation continue d’être le potentiel de dissémination du Covid-19 dans les pays dont les systèmes de santé sont plus précaires », a déclaré son patron, Tedros Adhanom Ghebreyesus, aux ministres de la santé de l’Union africaine (UA) réunis à Addis-Abeba.

Protection climatique

Une modélisation publiée dans la revue médicale The Lancet a fait de l’Egypte, de l’Algérie et de l’Afrique du Sud les trois pays du continent les plus menacés, mais aussi les moins vulnérables, car les mieux préparés à repérer l’infection. Mais, malgré de nombreuses alertes, l’épidémie ne semble pas jusque-là se développer significativement sur le continent. Pourquoi ? Les épidémiologistes se perdent en conjectures.

« Personne ne sait », avoue le professeur Thumbi Ndung’u, de l’Institut africain de recherche sur la santé à Durban, en Afrique du Sud. « Peut-être n’y a-t-il simplement pas tant de déplacements entre l’Afrique et la Chine », avance-t-il. Ethiopian Airlines, la plus importante compagnie aérienne africaine, n’a toutefois jamais suspendu ses liaisons avec la Chine depuis le début de l’épidémie. Et China Southern vient de reprendre ses vols avec le Kenya.
Alors, certains avancent la piste d’une possible protection climatique.

« Peut-être que le virus ne pousse pas dans l’écosystème africain, on ne sait pas », esquisse le professeur Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat à Paris. Une hypothèse rejetée par professeur Rodney Adam, de l’hôpital universitaire Aga-Khan de Nairobi (Kenya). « Nous n’avons aucune preuve d’une quelconque influence du climat sur la transmission [du virus] », assure-t-il, « à l’heure actuelle, il semble que la vulnérabilité des Africains soit la même que celle des autres ailleurs ».

D’autres sont tentés d’attribuer le faible nombre de cas confirmés de coronavirus à de possibles ratés des systèmes de détection déployés dans les pays du continent. « C’est vrai qu’il y a certains pays, certaines régions dont on n’est pas certain de la capacité, ne serait-ce que par manque de ressources, à mettre en œuvre les modalités de diagnostic », évoque le docteur Daniel Lévy-Bruhl, de l’agence sanitaire française Santé publique France. « Il y a un risque que des chaînes de transmission méconnues existent aujourd’hui dans certains pays du monde », ajoute-t-il.

« Simplement de la chance »

La plupart des spécialistes écartent toutefois le risque d’erreurs de détection massives. « C’est une situation qui démarre », souligne le docteur Amadou Alpha Sall, patron de l’Institut Pasteur de Dakar (Sénégal). « Mais s’il y avait des cas massifs en Afrique, je pense qu’on le saurait, car l’OMS est en alerte et beaucoup de gens sont très attentifs ». « Tous les systèmes sont en place », confirme le docteur Michel Yao, chargé des plans d’urgence pour l’OMS à Brazzaville (Congo).

Le nombre de pays africains disposant de laboratoires capables d’identifier le Covid-19 est passé en quelques semaines de deux (Afrique du Sud et Sénégal) à 29, se félicite le médecin, qui insiste aussi sur la précieuse expérience de terrain acquise lors des récentes épidémies du virus Ebola. Un point faible persiste, souligne toutefois le docteur Yao, la capacité à contenir l’épidémie et à traiter ses victimes. « La plupart des pays africains ne seraient pas capables de traiter des cas sévères nécessitant des soins intensifs, estime-t-il. Les capacités sont limitées dans les capitales (…) et, en dehors, elles sont encore plus faibles. »

Mais plutôt que d’envisager un scénario catastrophe, les spécialistes préfèrent se satisfaire de leur bonne fortune actuelle. « Il est difficile de dire pourquoi » si peu de cas ont été recensés jusque-là en Afrique, souligne le professeur Thumbi Ndung’u, « peut-être avons-nous simplement de la chance ».

 

lemonde.fr

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