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Coronavirus : quand l’Afrique met les Européens en quarantaine
Alors que l’Afrique pâtit encore trop souvent d’une image corrélée aux épidémies, ce sont désormais les pays asiatiques, mais aussi européens qui inquiètent le Continent. Mises en quarantaine de ressortissants étrangers et annulations de rencontres internationales se multiplient, depuis l’apparition du COVID-19.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) regrettait jeudi 5 mars dernier, une trop faible mobilisation dans la lutte contre le coronavirus, qui a déjà entraîné la mort près de 4 300 personnes (au 11 mars), car si les infections sont en recul en Chine, la transmission communautaire s’accélère au niveau mondial.

Près de 120 000 cas ont été répertoriés à travers 110 pays. Des Etats-Unis à la Corée du Sud ou à l’Iran, en passant par l’Europe : personne n’est épargné. Sur le Vieux continent, la France et l’Italie sont considérées comme les 2 principaux foyers européens du COVID-19. En état d’urgence, l’Italie compte près de 10 100 cas pour 600 décès et plus de 15 millions d’habitants sont placés en quarantaine. Derrière les Alpes, toutes les régions de l’Hexagone sont touchées avec 1 784 personnes affectées, 33 décès constatés et l’annonce de l’urgence sanitaire (la phase 3 de l’épidémie) semble se rapprocher chaque jour un peu plus.

Sur le continent africain, les premiers cas de COVID-19 entraînent la mise en place de mesures préventives par des gouvernements inquiets de voir se répandre une épidémie qu’il serait difficile de contenir, faute de moyens et d’équipements suffisants. « Le bureau régional pour l’Afrique de l’OMS a veillé à ce que chaque Etat-membre soit en capacité d’entreprendre les tests du COVID-19 », rassure Collins Boakye-Agyemang de l’OMS.

Au matin du 9 mars 2020, l’organisation recensait 20 cas confirmés de COVID-19 en Algérie, 4 au Sénégal, 7 en Afrique du Sud, 2 au Cameroun, 2 au Nigeria et 1 au Togo, auxquels s’ajoutent « plusieurs cas en Egypte [59], au Maroc [2] et en Tunisie [2, qui relèvent de la région Méditerranée orientale de l’OMS », a-t-il indiqué. Depuis cette déclaration, La République démocratique du Congo a déclaré son 1er cas et le Burkina Faso a annoncé 2 contaminations ainsi que la mise en quarantaine d’une personne supplémentaire. Chaque jour, le coronavirus gagne du terrain sur le continent…

Seulement 2 laboratoires de référence du COVID-19 en Afrique

« Des missions de cadrage de l’OMS sont prévues dans les pays qui ne disposent pas actuellement de la capacité d’effectuer les tests du COVID-19, pour déterminer le niveau de soutien requis […] En attendant, des accords bilatéraux sont mis en place entre les pays qui ne peuvent pas réaliser ces tests et ceux qui sont en mesure de le faire », souligne Collins Boakye-Agyemang. Seuls 38 des 47 pays membres de l’OMS (sur les 54 du continent), seraient en mesure de pratiquer leurs propres tests pour détecter le COVID-19. Néanmoins, l’Afrique ne compte que 2 laboratoires inscrits sur la liste mondiale des laboratoires de référence COVID-19, vers lesquels les pays peuvent envoyer leurs échantillons (le NICD en Afrique du Sud et l’Institut Pasteur Dakar au Sénégal). Aussi, en cas de propagation du virus, ces entités risquent fort d’être rapidement submergées.Alors que l’Europe attend le retour du printemps dans l’espoir d’une disparition progressive du virus, sur le continent de « l’été permanent », les chefs d’Etat réagissent. Certains vont jusqu’à interdire tout déplacement extérieur à leurs ministres (Bénin, Sénégal, Côte d’Ivoire et Congo) et les premières mesures de mise en quarantaine de personnes venant de « destinations à risque » s’organisent du Congo au Burundi.

Le 7 mars, le ministère ougandais de la Santé annonçait des mesures invitant les ressortissants de 7 pays classés en catégorie 1 (la France, la Chine, la Corée du Sud, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et l’Iran) à reporter leurs voyages « non essentiels ». Pour ceux qui décideraient de maintenir leur déplacement, une période d’auto-quarantaine de 14 jours devra désormais être observée, aux frais des voyageurs. Cette décision est intervenue à 48 heures seulement de l’ouverture du premier Forum des affaires Ouganda-Europe. « Nous avons reçu 22 passagers des pays en catégorie 1, aucun d’entre eux ne présentait de symptômes de COVID-19. Nous les avons informés de notre procédure d’auto-quarantaine pendant 14 jours. Cependant, ils n’étaient pas disposés à subir cette auto-quarantaine », twittait Jane Ruth Aceng, ministre de la Santé, le 8 mars dernier.

De fait, les passagers réfractaires fraîchement débarqués (arrivés pour l’événement) ont été invités à rentrer dans leur pays d’origine. Depuis, le gouvernement a purement et simplement interdit aux Ougandais de voyager dans les pays classés en « catégorie 1 » et toutes les rencontres internationales à venir ont été annulées. Du côté de Brazzaville, les autorités locales ont-elles aussi décidé d’instaurer une mise en quarantaine de 14 jours pour tous les passagers venus de France, d’Italie, de Chine, de Corée du Sud et d’Iran, à compter du 9 mars. Enfin, chez les populations suspendues à l’évolution d’une crise sanitaire qui rappelle la psychose pas si lointaine liée à l’épidémie d’Ebola, la prudence est de mise.

Déjà de lourdes pertes générées par le COVID-19

Selon une analyse de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le développement (CNUCED) datée du 9 mars dernier, le manque à gagner provoqué par le COVID-19 s’élèverait à 220 milliards de dollars dans les pays en développement, « confrontés à une série de vulnérabilités financières et de dette qui ne cessent de s’aggraver et qui n’augurent rien de bon dans leur capacité à résister à un autre choc externe ». Alors que l’analyse rapporte que « le choc dit de « Covid-19 » provoquera une récession dans certains pays et fera baisser la croissance annuelle mondiale cette année à moins de 2,5% », l’Afrique enregistre déjà un certain nombre de déséquilibres.

En effet, l’apparition du COVID-19 en Chine (premier partenaire commercial de l’Afrique) pourrait à terme provoquer de lourdes conséquences économiques sur le continent. La majorité des compagnies aériennes africaines ont suspendu leurs vols vers l’Empire du milieu et le secteur du tourisme est significativement touché. Pour le seul mois de mars, le royaume chérifien enregistre déjà près de 100 000 annulations, selon le ministère du Tourisme.

L’épidémie a également eu un impact significatif sur les voyages d’affaires, les rencontres sportives et culturelles, mais aussi sur les conférences internationales prévues sur le continent. Du Next Einstein Forum à Nairobi au Forum Mo Ibrahim à Addis-Abeba, en passant par le prochain Forum de la BADEA en Egypte : on ne compte plus les reports de rencontres internationales. « Suite à la recommandation du gouvernement sénégalais concernant l’escalade des problèmes de santé liés au coronavirus, la saison inaugurale du Basketball Africa League (BAL) sera reportée », pouvait-on lire dans un communiqué d’Amadou Gallo Fall, le Directeur de la NBA Afrique, daté du 4 mars.

Ces annulations de dernière minute ne sont pas sans conséquence. « Cela représente des pertes lourdes atteignant parfois plusieurs millions d’euros pour les organisateurs. Or, si l’état de catastrophe naturelle n’est pas décrété par les pays concernés, aucun remboursement n’est possible par les assureurs… Nous traversons une période de flou artistique qui pourrait coûter cher au secteur traditionnel de l’événementiel », explique Renaud Simard, directeur de Proximum Group, spécialiste des « online meetings ». Le leader européen de ce marché de niche a vu les demandes exploser en quelques jours. « Nous sommes assaillis par les demandes ! Nous enregistrons une hausse d’activité de 400 % par rapport à l’année dernière sur la même période », constate-t-il.

Alors que le continent ne représente que 6 % de sa clientèle, la dématérialisation de l’événementiel pourrait rapidement s’y développer. « La plupart des contrats signés sont le résultat de RDV BtoB or, les salons et les conférences coûtent cher et 70% des décideurs finaux n’y vont jamais. L’intérêt de nos solutions est de réunir un panel d’experts, à moindre coût […] L’Afrique possède déjà cette culture du réseau via les smartphones. Par ailleurs, nos solutions permettent d’éviter les problèmes de visa qu’ils rencontrent encore régulièrement », conclut-il. La crise du coronavirus pourrait donc profiter à la dématérialisation accélérée du secteur, bien qu’un certain nombre de « grand-messes » de l’événementiel sur le continent ait d’ores et déjà été reprogrammées.

 

afrique.latribune.fr

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