La pandémie mondiale de covid-19 frappe tout particulièrement le continent européen provoquant des dizaines de milliers de morts. Les mesures de confinement prises pour limiter ou étaler le choc sanitaire entraînent un choc économique. Et les décisions prises pour soutenir l’économie mettent à l’épreuve les règles européennes.
Pour l’instant, les règles de gestion sont officiellement suspendues. Les 3% de déficit public, les limitations des dettes publiques à 60%, bref les fameux critères de Maastricht, ainsi que les programmes de stabilité visant à résorber ces dettes, tout cela, on en reparlera APRÈS la crise du coronavirus. Car l’urgence économique, c’est de parer au plus pressé, de soutenir l’activité et les entreprises qui en ont besoin.
Pour ça aussi, les règles habituelles sont assouplies.
Dès le départ, le soutien des États nationaux aux entreprises, en principe interdit, a été rendu possible sous la forme de garanties dans la limite de 500 000 euros, mais la Commission européenne envisage d’aller beaucoup plus loin. Il s’agit désormais de permettre aux États d’alimenter en fonds propres des entreprises répondant à des critères de bonne gouvernance et qui seraient temporairement en difficulté du fait de l’arrêt de leur activité. On pense d’abord, mais pas seulement, aux compagnies aériennes et en particulier dans le cas de la France, à la compagnie nationale Air France. Sauf que cela s’apparente à de la subvention pure et simple et que cela n’est pas vraiment en phase avec le logiciel européen basé sur la concurrence libre et non faussée.
Ce logiciel était déjà remis en question avant la crise du coronavirus
Souvenez-vous de la colère franco-allemande au moment où la Commission avait rejeté l’alliance Alstom-Siemens dans le secteur ferroviaire pour des raisons de droit de la concurrence. À l’époque, Paris et Berlin avaient déploré que ces règles empêchent la constitution de champions européens de taille mondiale face aux géants du secteur, notamment chinois. Finalement, Alstom s’était tourné vers le canadien Bombardier. C’est un peu la même chose pour le rachat des chantiers de l’Atlantique par l’Italien Fincantieri dans la construction navale. Le commissaire français au marché intérieur Thierry Breton avait posé la question de la révision de ces règles, comme il avait dit aussi que l’Europe ne doit plus avoir pour seul but de réduire les prix pour le consommateur.
Mais tout le monde n’est pas d’accord
Bien sûr que non. D’abord cela serait vu comme un recul par les institutions européennes et notamment la Commission qui n’ont pas envie que ces assouplissements deviennent durables. Le risque c’est que l’unité européenne soit minée par des politiques nationales. Faire évoluer le modèle suppose aussi une évolution du droit européen et des textes. Pour cela il faudrait un accord entre les pays membres, dont on a vu les difficultés à se coordonner depuis le début de la crise. La récente discussion sur la mutualisation de la dette liée à la crise, les fameux coronabonds, a montré de profondes fractures entre les pays du Sud, comme l’Italie et l’Espagne, et les pays dits « frugaux », du Nord de l’Europe pour lesquels il s’agit d’une ligne rouge. Les discussions sont donc loin d’avoir abouti et on devra en reparler à la fin de la crise quand elle arrivera, mais là il ne s’agira plus d’économie, mais de politique.
RFI